Georges Simenon : monsieur Tout-le-monde en ville, génie universel devant la page blanche 1
- christophe lartas
- 11 juin
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Dernière mise à jour : il y a 1 jour
Littérature (Georges Simenon) 10 Georges Simenon : monsieur Tout-le-monde en ville, génie universel devant la page blanche 1

Georges Simenon : monsieur Tout-le-monde en ville, génie universel devant la page blanche 1 Littérature (Georges Simenon) 10
Je n’ai pas lu Simenon avant d’avoir passé le cap des vingt-cinq ans, si mes souvenirs sont bons, bien que j’avais beaucoup apprécié, enfant, Les Enquêtes du commissaire Maigret, avec jean Richard. Ce fut toutefois la série télévisée avec Bruno Crémer, Maigret, qui évoquait de si belle manière les atmosphères nordiques en clairs-obscurs brumeux ou pluvieux, ou les lumières à la fois tamisées et épaisses des bars du Nord — atmosphères qui évoquaient souvent pour moi ces nouvelles de Jean Ray, Gérard Prévot, Michel de Ghelderode ou Thomas Owen, qui avaient d’emblée exercé un charme étrange sur le pur méditerranéen que j’étais lorsque je les lus, et relus, adolescent —, qui me décida à la lecture de Georges Simenon, écrivain qui se trouvait aux antipodes de mes auteurs de chevet, tous grands « allumés » devant l’Éternel, et de moi-même, écrivain certes en herbe, mais « allumé » de même. Ou plutôt, je crois que ce fut la destinée, par l’intermédiaire d’un partenaire de tennis dont le père possédait l’intégrale Simenon parue dans la collection Omnibus, que je me plongeais pour la première fois dans l’univers simenonien.
Alors, ce fut un délice chaque instant, des enchantements et des orgies d’atmosphères nordiques, bruineuses et venteuses, qui ne laissaient pas de me transporter très loin des odieuses périodes caniculaires (toujours plus fortes, toujours plus longues) du Sud de la France, outre cette galerie de portraits innombrables qui promenaient inlassablement le misanthrope tout aussi en herbe que j’étais dans les méandres de l’humanité, et les tréfonds du pauvre cœur humain. Au vrai, je dus à ce moment-là dévorer des dizaines de romans de Simenon (Maigret ou « romans durs ») avant de retourner à mes auteurs de prédilection. Cependant, mon opinion était désormais faite : non, Georges Simenon n’était pas seulement un écrivain « populaire», mais encore l’un des plus grands romanciers que j’eusse jamais lus. Évidemment, eu égard à mon penchant naturel qui m’avait toujours porté vers les écrivains de l’excès, de l’étrange et de la démesure, ce ne fut pas sur le champ que je vis le génie propre de Simenon ; il me fallut encore le lire, et le relire, bien des fois, pour que l’évidence me saute aux yeux, le temps passant et maturité aidant.
Ce fut sans doute à la quarantaine, à un âge ou ni le lecteur, ni l’homme que j’étais (qui s’en remettait désormais à l’écoute du Soi pour bien des choses), n’avait plus besoin de se chercher dans les livres, comme beaucoup de jeunes auteurs ou lecteurs fervents peuvent le faire (ce qui impliquait de même que je n’avais plus cette naturelle appétence de la jeunesse pour les notions philosophiques ou les essors métaphysiques), que je sentis en profondeur, chair et âme, que Georges Simenon, définitivement, n’était en rien inférieur à un Tolstoï, un Dostoïevski ou un Balzac ; sûrement pas. Son génie était autre, tout simplement.
(14 novembre 2024)