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Œuvres vivantes, œuvres mortes en littérature 2

  • christophe lartas
  • 24 nov. 2024
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 7 minutes

Littérature (processus de création littéraire) 2 Œuvres vivantes, œuvres mortes en littérature 2



Vincent van Gogh, La Nuit étoilée, 1889
Vincent van Gogh, La Nuit étoilée, 1889

Œuvres vivantes, œuvres mortes en littérature 2 Littérature (processus de création littéraire) 2


Si j’ai pressenti depuis beau temps les mécanismes concernant l’« alchimie secrète » qui fait le partage entre les œuvres vivantes et les œuvres mort-nées — et nul besoin, rappelons-le, de tel jargon universitaire, vocabulaire abstrus, circonvolutions intellectualistes, bref, de boniments cérébraux de diverses variétés, pour décrire ce secret en termes clairs et simples : à savoir la capacité intrinsèque que possède un auteur (écrivain, poète, diariste, épistolier, mémorialiste) d’infuser, à différents degrés, son âme, dans chacune des fibres de sa création — ce n’est que récemment que, en conséquence du poids des ans et de la fuite du temps, j’en suis également arrivé à cette conclusion irréfutable : il n’est pas, en vérité, d’auteurs mineurs ou majeurs, dans la mesure où l’auteur fait partie du cercle enchanté, et très restreint, de ceux qui sont destinées à créer des œuvres vivantes — et qui demeureront vivantes à jamais, dût-on les découvrir ou redécouvrir dans dix siècles.


De fait, pour moi un Lev Tolstoï n’est désormais plus « supérieur » à un Lautréamont, Gustave Flaubert à un Howard Phillips Lovecraft, Fiodor Dostoïevski à un Henri-Frédéric Amiel, Alexandre Dumas à un Marcel Béalu, Honoré de Balzac à un William Hope Hodgson, Marcel Proust à un François Nourrissier, William Shakespeare à un Paul Verlaine, Dante Alighieri à un William Olaf Stapledon, Charles Baudelaire à un Jean-Baptiste Chassignet, à titre d’exemples, pas plus qu’un Louis-Ferdinand Céline n’est davantage « grand » qu’un Albert Caraco, Jules Verne qu’un Jean Ray, Arthur Schopenhauer qu’un Emil Michel Cioran, Thomas Mann qu’un Michel de Ghelderode, Miguel de Cervantes qu’un François Villon, Georges Simenon qu’un Jean Dutourd… Sûrement pas.


Au vrai, de même que la véritable frontière — infranchissable, celle-là — se situe entre les œuvres mortes et les œuvres vivantes, de même il est une certaine frontière, bien davantage ouverte, fluctuante, et poreuse, celle-là, qui départage les auteurs en deux catégories, tout aussi irréfutables : les écrivains de l’universalité et les écrivains de la singularité ; certes, comme je l’ai dit plus haut, cette seconde frontière est loin d’être aussi absolue, et sévère, que la première. Car il se peut très bien qu’à l’occasion (mais c’est assez rare, et tient soit de la bonne fortune, soit de l’effet de mode, qui n’est jamais à négliger dans le domaine de l’art, hélas) tel ou tel écrivain, prédestiné à séjourner dans les territoires de la parfaite singularité, puisse non seulement écrire une œuvre universelle, mais encore passer ladite frontière et se retrouver catapulté en « écrivain universel », fût-ce pour dix ans, cent ans ou deux cents ans (on pense ici à Kafka ou à Beckett, voire à Pessoa ou à Lovecraft, mais je ne crois guère, par ailleurs, que leur « popularité » puisse durer indéfiniment eu égard à leur génie créateur particulier, procédant de leurs idiosyncrasies respectives).


Quoi qu’il en soit, je ne fais plus aucune hiérarchie entre les œuvres singulières et les œuvres universelles — car, qu’importe qu’un écrivain véritable soit lu avec plaisir (les lectures pour études universitaires ou articles journalistiques, qui n’ont à mes yeux aucune valeur, sont ici hors sujet : seul un lecteur fervent lit réellement un texte, puisque c’est bien d’une rencontre d’âme à âme dont il est ici question), un siècle après sa mort, par cent lecteurs ou cent mille lecteurs dans le monde ; cette disparité de public n’a aucune importance à mes yeux, et, conformément à ce que je disais plus haut, la boucle est bouclée.


(23 octobre 2024)








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