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Littérature populaire contre grande littérature ? 2

  • christophe lartas
  • 12 janv.
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 8 heures

Littérature (littérature populaire) 7 Littérature populaire contre grande littérature ? 2



Saint Georges terrassant le dragon, Paolo Uccello, 1430-1435
Saint Georges terrassant le dragon, Paolo Uccello, 1430-1435

Littérature populaire contre grande littérature ? 2 Littérature (littérature populaire) 7


En somme, si l’on peut opérer dans la littérature une distinction entre les littérateurs lambda et les écrivains de race, je ne pense plus aujourd'hui qu’on puisse différencier, avec assurance, une certaine part de la littérature populaire de la « grande littérature » ; de fait, un écrivain de génie comme Simenon met sérieusement à mal ces vieilles classifications qui tiennent aujourd’hui davantage d'un certain snobisme de pseudo-lettré plutôt que d'une lecture sérieuse et approfondie. Auquel Simenon on pourrait ajouter certains des meilleurs romans de Balzac ou Zola, pour ne citer que ces deux-là. Et si Eugène Sue ne dépasse pas un certain type de talent, celui du feuilletoniste, que dire de l’épique et empoignant Alexandre Dumas ou du phénoménal Jules Verne ? Relèvent-ils encore de la « littérature populaire », les chefs-d’œuvre qu’ils ont écrit… ?


Au reste, si je suis le fil de mon idée, ne pourrait-on dire que Homère ou Shakespeare étaient des écrivains populaires avant la lettre ? Ou Rabelais ? Ou Villon ? Ou le Mahâbhârata qui contient le sublime Bhagavad-Gita ? Sans même parler des Fables de La Fontaine, du Roman de Renart ou des Mille et Une Nuits… ? Bref, les exemples sont innombrables, aussi, pour moi, les jeux sont faits : la « littérature populaire », si elle doit continuer à être dénommée de la sorte pour une question de commodité de classement, n’a rien à envier à la littérature « tout court » en termes de grandes œuvres ou de chefs-d’œuvre. Balzac, le génial et enfantin titan de la littérature française, et Zola, son continuateur davantage ambigu, mélange plus moderne de puissance créatrice et de rouerie commerciale (il sentait bien mieux l’« air du temps » que son prédécesseur, certes), ont fait tous deux leurs armes dans le roman-feuilleton ; à l’inverse, Jack London, authentique écrivain « populaire », a écrit au moins quatre chefs-d’œuvre, L’Appel de la forêt, Le Loup des mers, Croc-Blanc et Martin Eden, qui se situent au sommet de la littérature mondiale, idem pour Alexandre Dumas avec Le Comte de Monte-Cristo, la Trilogie des Mousquetaires et la Trilogie des Valois, ou Stephen King avec Shining, Simetierre, Ça, Différentes saisons et The Stand, entre autres grands livres.


Quant à Georges Simenon, écrivain « populaire » s’il en est, pour en finir sur ce point, il surpasse tout le monde dans l’universalité de l’œuvre écrite, et, si nombre de ses romans sont de véritables chefs-d’œuvre que je placerai très haut dans la hiérarchie des lettres mondiales, nombre de ses enquêtes de Maigret, qu’on pourrait encore qualifier à raison de « romans populaires », n’en sont pas moins à leur façon singulière, avec leur atmosphère unique, d’intemporels petits bijoux. De Homère à Simenon, en passant par Balzac et Shakespeare, nous nous trouvons avec des peintres de l’âme humaine qui nous emmènent, certes, bien plus loin, infiniment plus loin, que la littérature « populaire » plus ou moins industrielle qui eut lieu jadis et naguère, et qui prolifère désormais à une vitesse folle, à tel point qu’on ne devrait plus parler de littérature jetable, plutôt de littérature instantanée, voire de livres flash.


(05 novembre 2024)


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