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Exécrations (Précis de bile noire, poèmes en prose)

  • christophe lartas
  • 3 mars
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 2 jours

Extrait de texte 3 Précis de bile noire, poèmes en prose, 2014, éditions de l’Abat-Jour



Jerôme Bosch, La Nef des fous (1500-1510), détail
Jerôme Bosch, La Nef des fous (1500-1510), détail

Exécrations, Précis de bile noire, poèmes en prose, 2014, Extrait de texte 3


Vénom se doit d’abolir la Peste Verte aux desseins impurs — déjà ses rejetons fanatiques, hordes de chacals sanguinaires, submergent la planète, vociférant jour et nuit les slogans malveillants et stupides de leurs Maîtres de Haine. Il n’a jamais oublié, aussi, l’Hydre de Lerne d’Auschwitz et Treblinka ; l’Araignée Brune, symbole profond et éclatant de la perversion humaine — depuis toujours au service du mal, baisant le cul du Diable. Et l’Utopie Rouge, dès l’origine avilie et aveugle, qui fit de l’espérance des peuples opprimés et misérables, et de leur soif légitime de justice, un abattoir puant, dément et sans fin ; un répugnant clapier à la gloire des Démons. Concernant le capitalisme et son avatar le plus récent, l’ultralibéralisme exponentiel, toujours flanqué de ses monstrueuses jumelles, la société de Consommation et la société du Spectacle, que boostent mieux que quiconque, dans toute leur hideuse modernité, les multinationales, les médias de masse ou l'industrie culturelle, et dont l’ambassadeur suprême sont aujourd’hui les États-Unis d’Amérique (l’actuelle et terrifiante Chine néocapitaliste se trouvant être par trop hors norme, quoique la crapulerie de ses « élites » n’ait à strictement parler rien qui lui soit spécifique — loin de là), nation aberrante et hypocrite à la fois oscillant entre exhibitionnisme et puritanisme, machiavélisme et puérilité, et trompetant comme jamais sa foi en Dieu alors qu’en vérité elle n’a jamais cru qu’au dollar. Concernant le capitalisme et tous ses servants, donc (le protestantisme, le monarchisme, le fascisme, le catholicisme, et cætera), inutile de s’étendre : c’est l’homme au naturel, tout simplement abject.


Mais, par-dessus tout, il se doit d’abolir, source première de la malfaisance actuelle, le politicien et intellocrate néolibéral et sélectivement libertaire, au cœur fécal, et au jargon grotesque et branché, qu’il exècre, qu’il abhorre absolument. Il se doit d’abolir — se doit d’exterminer — le politicien et intellocrate libéral-libertaire, aujourd’hui universellement présent, qui, sous le couvert du modernisme, du néohumanisme, du libre jeu de la concurrence et des droits de l’homme, se pâme d’amour pour les forces du Mal — les congratule et les embrasse avec effusion en leur offrant à profusion des lois, des places, des richesses, du renom, cependant qu’il crachote avec mépris et aigreur sur leurs victimes innombrables, et dont le nombre va augmentant. La pourriture libérale-libertaire, cancer récurrent de toute civilisation décadente, a plongé l’univers dans une ère de barbarie utilitariste et matérialiste illimitée, d’amoralisme satanique et nihiliste triomphant, de laxisme outrancier et généralisé ; de sous-fantasmes infâmes, artificiels et uniformes, résultant d’un narcissisme toxicomaniaque. La pourriture libérale-libertaire a plongé l’univers dans une ère de tartufferie omniprésente et institutionnalisée, d’humanitarisme pharisaïque et instrumentalisé ; de jeunisme vomitif, indécent et servile ; de surexcitation paroxystique, infernale et sadomasochiste. La pourriture libérale-libertaire a plongé de même l’univers dans une ère d’égalitarisme totalitaire et démagogique, de multiculturalisme aberrant et postiche, de consensualisme putassier et odieux, et de malhonnêteté désinhibée et impudente — tout ceci sous la férule de mass-médias à la fois grégaires, méprisables et vicieux. La pourriture libérale-libertaire, férue d’art contemporain charlatanesque et fumiste (soumis aux primats d’une bande d’escrocs et de snobs), de littérature bien-pensante et politiquement correcte (toujours placée, bien sûr, sous le signe d’une rébellion de pacotille, d’un faux non-conformisme chic et choc), a bâti son empire chaotique et morbide sur le mensonge d’État permanent, la mystification méthodique, en s’appuyant avec résolution sur la lâcheté morale et la faiblesse spirituelle de la gent adulte — et l’hystérie collective, sous-tendue d’un arrivisme exacerbé, de la jeunesse moderne, entièrement dépravée, cupide et crétine. La pourriture libérale-libertaire, afin de récompenser ces foules moutonnières acquises à son idéologie répugnante (et qu’elle manipule à peine, au fond, car elle leur dit, et donne, ce qu’elles désirent), les soûle en continu de sons cacophoniques, de bavardages radiophoniques ou télévisuels mortellement insipides et ineptes ; les gave sans cesse d’images multimédiatiques exploitant de façon éhontée le filon du sentimentalisme le plus mièvre et le plus impudique, de l’exhibitionnisme le plus risible ou le plus malsain, lesdites images étant toujours, de vrai, artificieuses et dégradantes ; et, in fine, agite en permanence sous leurs yeux que voile leur bêtise repue, la promesse d’un moment de célébrité par la grâce des obscènes caméras de la médiocre médiacratie — où règne souverainement l’Imposture.


En outre, la pourriture libérale-libertaire a réussi le tour de force sans précédent de faire du modèle de la démocratie occidentale un système politique au moins aussi insane que le régime hitlérien, stalinien ou maoïste à son apogée — car jamais, au grand jamais, depuis les commencements de l’histoire de l’humanité, l’adoration du Mensonge et du Mal n’a été à ce point poussée à l’extrême ; une adoration approuvée, et partagée, par une immense majorité d’êtres humains qu'asservissent sans coup férir d’incessantes législations et propagandes tout droit sorties des vomissures encore fumantes, gargouillantes, de Pandémonium. La pourriture libérale-libertaire a également accompli, par là même, la prouesse inouïe de faire passer tout individu qui oserait dire haut et fort, voire avec modération (voire avec force ménagements et euphémismes, oui !), une vérité quelconque contraire ou préjudiciable à son hideuse idéologie mondialisée, pour « nazi », « fasciste », ou « réactionnaire » dans le meilleur des cas ; de faire passer toute vérité antagoniste, ou même seulement désagréable selon son pervers point de vue, fût-elle à tous égards parfaitement établie, pour « scandaleuse » ou « choquante », « nauséabonde », « irresponsable » ou « inacceptable », permettant ainsi, dans cette civilisation qui n’a plus de civilisé que le nom, aux organisations terroristes ou maffieuses, aux juges dénaturés jusqu’à la psychose ou aux avocats criminophiles, et aux associations claniques ou ethniques invariablement haineuses, de tenir le haut du pavé, tandis que des « artistes » prostitués ou combinards encensent et défendent tous les avatars du Mal, qu’ils soient de l’ordre de l'idée ou de l'acte, pourvu que cela leur procure, fût-ce pour un temps, le moindre strapontin de notoriété. Bref, les démocraties occidentales ont métamorphosé, sous le joug de la pourriture ultralibérale et sélectivement libertaire, la Justice et la Loi en esclaves folles et vénales aveuglément dévouées à la cause du Démon.


Le politicien et intellocrate libéral-libertaire, en favorisant sciemment la vile sous-culture du paraître ou du profit à tout prix au détriment de l’authentique et de l’œuvre d’art ; en encourageant de façon systématique les communautarismes les plus insensés et les plus fielleux, les tribalismes les plus canins et les plus frustes, à l’encontre des principes laïques et des cohésions nationales ; en attribuant avec zèle maint privilège à la délinquance la plus immonde, à la criminalité la plus ravageuse, au gangstérisme le plus abominable, et en favorisant par tous les moyens et stratagèmes leur plus totale impunité au préjudice du simple citoyen, a sapé jusqu’aux fondements mêmes de la civilisation, et intentionnellement engendré des générations de monstres pour lesquels il n’est pas de vie hors le Spectacle et l’Argent. Dès lors, la perversité, l’injustice et l’ignorance les plus bestiales sont bien la clef de voûte sur quoi repose aujourd’hui toute société. Pour finir, le politicien et intellocrate néolibéral et néolibertaire se nourrit et se délecte de l’évolution très rapide de l’être humain vers la dégénérescence la plus complète, et la plus achevée, comme le scarabée bousier se nourrit et se délecte de sa boule d’excrément. C’est pourquoi il descendra dans les temples souterrains de Smyrne, ou ceux de Patmos, exhumer l’Al Azif de l’arabe Abdul Alhazred — autrement dit, le Necronomicon.


(1993 — 2004)


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